Shrek, et son univers particulier, ont séduit le monde entier. En plus de quatre mois, 3,7 millions de Français avaient vu le petit bijou des studios DreamWorks. Il faut dire que même si SHREK est un film d'animation, il est loin des dessins animés classiques.
L'originalité réside dans la parodie des contes de fées (et de l'univers Disney par la même occasion !).
En effet, l'ogre vert de DreamWorks est aux antipodes des héros classiques. C'est un prince charmant qui rote, qui pète et qui va même jusqu'à se servir des pages de contes de fées comme papier hygiénique !
Humour et caricature sont les mots clés de ce succès. Chez SHREK, les princesses ne sont pas naïves, mais font du karaté pour se défendre elles-mêmes. Le héros n'a pas des allures de top modèle, mais plutôt un physique ingrat. En effet, la beauté de Shrek est intérieure et va se révéler au fil du film et de ses aventures.
La parodie va même jusqu'à intégerer des personnages de contes classiques, en guise de clin d'oeil, comme Pinocchio, les 3 Petits Cochons, le Grand Méchant Loup, Cendrillon, Blanche-Neige, les 7 nains, Robin des Bois, Peter Pan... Au total on retrouve 31 héros classiques.
Par ailleurs, il est certain que la beauté et la précision des dessins ne soient pas pour rien dans ce succès mondial.
DONJONS ET DRAGONS
"Les ogres, c'est comme les oignons, ça a plusieurs couches..."
Commençons par ce qui fâche. Les scénaristes américains ont failli faire grève le mois dernier. Je leur conseillerais plutôt un stage de formation. Bien sûr il ne s'agit que de divertissement, de dessin animé. Mais un scénario aussi conventionnel, des dialogues avec un air de déjà entendu (même dans l'humour) et un anti-conventionnalisme convenu gachent un peu la jubilation éprouvée. On aurait aimé un peu plus de profondeur, de surprises dans les sentiments, un peu moins de phrases sitcom et de séquences clichés. Ce scénario est un banal jeu d'arcade en plusieurs étapes. Rien d'original. Pour exemple, et pour conclure sur le seul paragraphe négatif de cette critique : la comparaison de l'ogre avec l'oignon selon Shrek ou l'ogre avec le mille feuilles selon l'Ane rappelle le dialogue Julia Roberts / Cameron Diaz où elles se comparent à de la jello et de la crème brulée.
Mais voilà, tout le reste est génial. Car Shrek n'est pas un film de Walt Disney, mais bien la plus virulente guerre civile d'Hollywood mise en image ; le producteur se venge et joue à cramer l'empire de la souris. Tout y passe : le parc Disneyland devient la ville de Lancelot DuLoc, exaspérante à souhait, toute propre, quasiment fasciste. Les stars du dessin animé y sont ridiculisés, à commencer par Robin des Bois, mais aussi Pinocchio, Blanche Neige, les 3 ours, ... et en une scène la compilation de tous ces personnages célèbres (et souvent européens). Ce florilège de personnages de contes et légendes universels et exploités par l'Oncle Picsou, rappelle un peu l'utilisation du patrimoine du jeu par Toy Story. Mais DreamWorks n'est pas Disney. Avec le presque "noir" Fourmiz, ils avaient déjà montré une maturité adulte et politique à traiter par l'animation des sujets plutôt divertissants. DreamWorks aime faire l'éloge de la différence, des petits qui se révoltent et qui gagnent, des caballes contre les marginaux. Et Shrek c'est l'acceptation de la laideur et de l'obésité, c'est le cynisme face au tyrannisme épurant les "étrangers". Pourtant Shrek est une comédie.
A quoi ressemble Shrek? La comparaison la plus proche est certainement ... un film de Mel Brooks. Le personnage principal est lui même scatologique, sale, drôle, gentil, seul. Un anti-héros. Tout commence par un conte de fée avec une jolie musique. En apparence. Car, plus le film progressera, plus il faudra nous méfier des apparences, le délire allant crescendo. Le conte de fée en fait n'est qu'un livre que Shrek feuillette aux chiottes. Il tire la chasse d'eau et la bande originale rock n' roll s'y colle. C'est du cartoon alternatif. Les 7 nains y sont enchaînés, Pinocchio est bradé à 5 shillings, un cookie est torturé, le méchant choisit sa princesse comme un beauf élit sa ménagère à Tournez Manège... Il y a toute la charge anti-Disney (qui ravira tout ceux qui ont refusé de croire aux princes charmants et aux belles blondes passives), et bien sûr des anachronismes dignes des bandes dessinées d'Astérix. Des personnages occidentalisés dans leurs manières et leur langage, au parking devant la cité de Faaquard, un univers ludique et bigarré, bizarre et légendaire, un conte de fée cruel se créent, ouvrant la porte aux critiques, aux inside jokes, aux ironies, aux vacheries... et bien sûrr à la morale (ça reste américain). Même si la fin vous surprendra un peu, prenant à contre courant les happy endings à la Hollywood; le message en cela est plus fort et permet au film de se distinguer de ses concurrents américains.
On se délectera de tous ces pastiches (match de catch, Jurassic Park, Matrix, Indiana Jones et le Temple Maudit, L'Homme Tranquille)... Dans ce monde freaks monstrueux, de tarés (un nain complexé, un ogre associable, un âne trop bavard, une princesse au secret épouvantable, un dragon femelle sensible), quelques scènes deviendront cultes : la princesse Fiona en a deux à son actif avec son chant du matin à la Blanche Neige (avec effet radical pour le petit déjeuner) et son combat contre Robin des Bois (le même que Diaz dans Charlie et ses drôles de dames, ralenti compris). Totalement déjanté, ultra-sensible, Shrek fera le bonheur des petits, des ados et des grands. Avec toutes ces formes d'humour, il ne peut que cibler juste. Tex Avery n'aurait pas renier ce film d'animation d'aspect très propre et parfait comme le royaume de Faaquard et en fait aussi peu politiquement correct, comme le personnage de Shrek. Et ça fait du bien.